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pdf Exposition injustifiée d’un radiologue par oubli d’un tablier de plomb (201 ko)

Circonstances de l'incident

Une intervention est réalisée par un radiologue en salle de radiologie interventionnelle dédiée en fin de journée.

Le matériel destiné aux professionnels de santé, dont les EPI (Equipement de Protection Individuel), les EPC (Equipement de Protection Collectif) et systèmes de surveillance dosimétrique a été préparé en amont de l’intervention. Les tabliers plombés sont à disposition dans la salle de préparation des radiologues.

Un 2ème radiologue arrive 20 min après le début de l’intervention pour assister le 1er radiologue. Ce 2ème radiologue, assisté par deux MERM (Manipulateur en Electroradiologie Médicale), se prépare rapidement du fait de son arrivée tardive et oublie de revêtir le tablier de protection plombé (EPI). 

Dès la première acquisition, 10 min après l’arrivée du 2ème radiologue, son dosimètre opérationnel se déclenche suite à une augmentation de DeD qui dépasse le seuil de pré-alerte en débit de dose fixé à 100 µSv/h. Le seuil en dose intégrée fixé à 50 µSv n’est pas atteint.

Les 2 radiologues s’interrogent sur l’origine des « bips » et reprennent leur geste. Un 2ème bip retentit à l'acquisition suivante. Ils se concertent de nouveau sur l'origine des "bips" et se rendent compte que le 2ème radiologue a oublié de mettre le tablier.

Celui-ci met son tablier et les 2 radiologues reprennent et finissent l'examen du patient.

Les données du dosimètre opérationnel sont analysées par le 2ème radiologue en fin d’examen : le DeD indiqué est de 901 µSv/h et une dose cumulée depuis le début de l’activation de 14,4 µSv. 

2 semaines après l’évènement, le CRP réalise la vérification bimensuelle des alertes de dose et détecte une alerte de dose après analyse à distance des doses et « alertes » du logiciel de dosimétrie opérationnelle. Il essaie donc de joindre le 2èmeradiologue pour identifier l’origine de l’alerte et le radiologue ne répondant pas, il lui envoie un mail. Le lendemain, le CRP obtient une réponse du radiologue et est donc informé de l’origine de l’alerte. 

Une déclaration de l’ESR à l’ASN est réalisée quelques semaines après l’évènement.

Analyse des causes

Une analyse des causes a été réalisée au sein du service.
 
Causes liées à l’organisation et aux facteurs humains :

  • Dernier examen de la journée réalisé en fin de journée, après 16h, sur une journée avec des patients présentant des actes longs et complexes.
  • Pression temporelle ressentie pour que l’examen ne se prolonge pas.
  • Le deuxième radiologue était affecté à une autre tâche et arrive donc alors que l’examen est déjà en cours.
  • Le radiologue savait l’examen potentiellement douloureux pour le patient et ne pratique pas souvent cet examen. La situation a pu être vécue comme stressante. De fait, le radiologue s’est principalement projeté sur ces constats et sur un examen potentiellement long et complexe pour se concentrer sur son objectif médical de soin vers le patient. Cette focalisation a pu contribuer à l’oubli du tablier pour lui-même.

Causes liées aux conditions de travail : 

  • Le deuxième radiologue était affecté à une autre tâche et arrive donc alors que l’examen est déjà en cours.
  • Les radiologues sont régulièrement sollicités par les secrétaires du service (répondant aux demandes de médecins externes au service) pour des avis médicaux motivés par les médecins demandeurs d’examens, occasionnant une certaine fatigue cumulée en fin de journée.

Causes liées à la réalisation de l’activité : 

  • L’examen commence par une échographie en application du principe de substitution. Le recours aux rayonnements ionisants ne vient que dans un second temps. Cette organisation a pu ne pas faire penser au port du tablier dès le début de l’arrivée du 2ème radiologue.
  • Communication insuffisante entre le radiologue et les manipulateurs radio sur le temps de préparation du radiologue avant son entrée en salle.

Cause institutionnelle : 

  • Les radiologues spécialisés en radiologie interventionnelle sont peu nombreux dans le service, occasionnant diverses sollicitations des médecins vers les radiologues.

Suite à cette analyse des points forts et points faibles ont été identifiés. 
Points forts : 

  • Port systématique et dès le début de la journée des dosimètres par les radiologues.
  • Déclenchement de l’alerte du dosimètre opérationnel en débit de dose avec un seuil de détection adapté à la pratique interventionnelle.
  • Réaction positive de questionnement des radiologues lors de l’alerte de débit de dose ayant aboutie à la détection de l’incident et à sa correction immédiate par le port du tablier.
  • Volonté affichée de l’équipe à participer au REX.
  • Transparence de l’équipe dans les interviews sur les circonstances de l’événement.
  • Volonté d’alimenter le plan d’actions.

Points faibles : 

  • Enchainement des examens sur une journée concentrée en travail avec fatigue pouvant s’exprimer en fin de journée.
  • Les radiologues sont régulièrement sollicités sur leurs journées de travail, occasionnant des interruptions de tâches régulières.

Actions prises suite à l'incident

Suite à cet évènement, une réunion de l’ensemble de l’équipe est organisée pour réfléchir sur les suites à donner à l’évènement, en concertation avec le chef de service et l’encadrement. Définition d’un retour d’expériences à mettre en place par décision collective.

Plusieurs actions ont été identifiées pour répondre aux différents facteurs identifiés comme potentiellement causes de l’incident : 

Facteur : Pression temporelle ressentie

Actions : Une réunion d’équipe est organisé les mardis matins.

Est-il envisageable que le radiologue posté en salle interventionnelle soit disponible plus tôt dans la matinée (sans pour autant augmenter le nombre habituel de patients à prendre en charge) ?

Facteur : Les radiologues sont régulièrement sollicités pour avis médicaux dans la journée

Actions : Est-il envisageable de créer des temps formels et déterminés (horaire dans la journée, en début de journée ou début d’après-midi ?) pour que secrétaires et radiologues échangent sur les demandes d’examens ?

Facteur : Préparation ayant oublié un élément de sécurité

Actions : Ajouter l’item généraliste « Radioprotection » sur les check-lists de préparation de l’intervention 

Cet item permettrait aux professionnels de vérifier les éléments de radioprotection à mettre en place en amont de l’intervention.

Facteur : Les « facteurs humains et organisationnels » (FOH) semblent prédominants dans l’événement

Actions : Organiser une sensibilisation aux FOH pour l’équipe à l’occasion des formations radioprotection

Conséquences radiologiques estimées par les acteurs

Exposition du deuxième radiologue intervenant à une dose de 14,4 µSv non justifiée ce qui correspond à l’exposition naturelle moyenne d’une journée.

Leçons à tirer de l'incident

  1. Conditionner la journée de travail, dès son début, pour gérer le stress naturel occasionné par ces examens interventionnels à enjeux pour le patient.
  2. Mettre en place des check-lists pour vérifier les éléments de radioprotection à mettre en place en amont de l’intervention ou l’ajouter aux check-lists existantes. 
  3. Contrôle croisé des intervenants présents dans la salle au moment de l’intervention pour contrôler le port des EPI de chaque intervenant.
  4. Mettre les EPI à disposition des intervenants.

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