France

pdf Défauts de gestion des moyens de surveillance dosimétriques dans un environnement de travail défavorable (246 ko)

Circonstances

Un radiologue industriel et un aide-radiologue interviennent dans une entreprise pour examiner des pièces en aluminium de 15 mm d'épaisseur qui ne nécessitent pas de rayons X de forte énergie. Les paramètres utilisés sont les suivants : 60 kV, 10 mA, 30 s; les tirs sont horizontaux du fait de la nature des pièces (tôles plates), le faisceau du rayonnement est à environ 1,40 m du sol.

Pour une haute tension de 60 kV, on obtient des rayons X d'environ 40 keV (60 x 2/3).

Après installation (balisage, positionnement du tube et du pupitre, réglages...) les tirs commencent; le radiologue et son aide portent leurs dosimètres (opérationnel et passif) à la poitrine.

En plus de la lumière de signalisation intrinsèque au pupitre, une lampe flash qui sert de témoin pour l'émission des rayons X est connectée au pupitre et positionnée à proximité de celui-ci, cependant l'intervention se déroule en extérieur et l'intensité lumineuse due au soleil rend difficilement perceptible la lampe et la lumière de signalisation. De plus, ce jour-là, des travaux bruyants (mise en place d'un bardage métallique) sont réalisés à proximité à l'aide d'une disqueuse et rendent inaudibles les signaux sonores émis depuis le pupitre en début et fin d'émission des rayons X.

Les deux intervenants sont tous les deux au pupitre pendant l'émission des rayons X (fig. 1). Il est à noter que le pupitre est équipé d'une minuterie qui coupe automatiquement les X après le temps programmé et qui aurait donc du être contrôlée par le radiologue avant de se déplacer.

Avant la fin de l'émission, l'aide-radiologue se décale vers la droite (fig. 2) et le radiologue interprétant ce mouvement comme étant la fin de l'émission des rayons X se dirige vers le tube afin de récupérer le film (fig. 3); l'aide-radiologue le suit, radiamètre en poche (fig. 4).

Le radiologue fait le tour de la pièce à radiographier afin d'ôter le film, alors que l'aide-radiologue se dirige vers l'arrière du tube pour modifier l'emplacement de celui-ci (fig. 5).

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Alors que le radiologue se trouve derrière la pièce, dans le faisceau, le dosimètre opérationnel de l'aide-radiologue se met en alarme : il avertit le radiologue et ils s'éloignent tous les deux rapidement ; le dosimètre du radiologue ne s'est pas déclenché. Ils retournent donc au pupitre, dont la minuterie a entre temps coupé les rayons X et font le point : ils n'observent pas de dose sur leurs dosimètres opérationnels respectifs, et le radiamètre de l'aide radiologue est arrêté (un arrêt automatique de l'appareil est prévu après un temps d'utilisation donné, paramétré par défaut en usine sur 30 minutes).

Pensant à un défaut de fonctionnement du radiamètre, ils terminent leur intervention et ne jugent pas nécessaire de prévenir la PCR au vu de l'absence de dose opérationnelle.

Conséquences radiologiques

Les résultats de la dosimétrie passive (dosimétrie poitrine) du radiologue pour le mois concerné font apparaître une dose profondeur Hp(10) de 0,9 mSv et une dose peau Hp(0,07) de 19 mSv. Ces résultats, bien que très largement inférieurs aux limites réglementaires de la catégorie A (respectivement 20 mSv et 500 mSv) apparaissent en rouge gras dans le rapport du laboratoire soit parce qu'ils sont jugés anormalement élevés ou en raison de la différence inexpliquée entre les deux valeurs. Habituellement, lors de ce type d'intervention, la dosimétrie du radiologue est de 1 µSv maximum par opération (5h en moyenne) et sa dose mensuelle moyenne est comprise entre 0,2 et 0,25 mSv. La dose reçue le mois de l'incident est donc nettement supérieure aux doses mensuelles reçues habituellement.

En effet, la nature des rayonnements utilisée (γ de l'Ir192 et rayons X – utilisés ici) ne donne normalement pas lieu à une telle différence. Le résultat de la dosimétrie opérationnelle, issu du carnet de suivi dosimétrique du radiologue, est de 0,09 mSv, valeur 10 fois inférieure à celle du dosimètre passif.

Dosimétrie opérationnelleDosimétrie passive
Hp(10) Hp(10) Hp(0,07)
0,09 mSv 0,9 mSv 19 mSv

Après contact avec le laboratoire d'où proviennent les dosimètres, il s'avère que le dosimètre passif a été exposé à des rayonnements X de faible énergie, de l'ordre de 40 keV ; les rayonnements de cette énergie sont largement atténués par la peau et n'exposent les tissus profonds que partiellement, d'où la différence entre la valeur peau et profondeur.

Le dosimètre opérationnel que le radiologue portait détecte les rayonnements si ceux-ci ont une énergie supérieure à 20 keV. Quant au radiamètre il détecte les photons à partir de 33 keV.

Le non déclenchement de l'alarme débit de dose du dosimètre opérationnel du radiologue n'a pas été expliqué, celui-ci étant techniquement, sur le papier, apte à détecter des X de 40 keV. Le fabricant n'a pas pu apporter de réponse précise sur ce fait. Après vérification du dosimètre du radiologue, dans les mêmes circonstances que celles de l'exposition (60 kV et 10 mA), il s'avère que celui-ci fonctionne correctement et se déclenche en alarme sur débit de dose avant de se trouver dans le faisceau.

La fiche de vérification de l'entreprise de maintenance du dosimètre, valide le bon fonctionnement de la cellule Hp(0,07) ; cette validation est effectuée vis-à-vis d'une réponse de la cellule au débit de dose d'une source connue à une distance connue mais n'est pas une vérification de la réponse en énergie.

Arbre des causes

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Leçons à tirer

  1. Vérifier la fin de l'émission de la source avant de quitter le poste de contrôle et retirer la clef de sécurité pour garantir la fin de l'émission des rayons X.
  2. Sur le chantier, s'assurer que celui qui s'approche en premier de l'appareil (générateur X ou gamma) soit bien celui qui est en possession du radiamètre,
  3. Contacter le fabricant du radiamètre afin de paramétrer en usine l'arrêt automatique des radiamètres sur une durée de 8 heures après démarrage.
  4. La bonne rédaction du plan de prévention et son application sur le terrain demeurent aussi la garantie d'un chantier sécurisé.
  5. L'arrêté zonage prévoit à proximité de la source un dispositif lumineux et/ou sonore (par exemple lampe flash) en plus des voyants tubes et pupitre qui doit réagir à l'émission des rayonnements.
  6. Le dosimètre opérationnel n'étant pas un radiamètre en tant que tel, on ne doit pas lui accorder une confiance aveugle. Dans certains cas il ne semble pas apte à détecter toutes les situations à risques (rayonnements de faible énergie, "faible" débit de dose). La radiographie industrielle, qu'elle soit réalisée sur chantier extérieur, en blockhaus, en X ou en gamma, est une technique qui demande une charge mentale importante au vu de la multitude des tâches à réaliser et de la répétitivité de celles-ci. Elle implique donc une vigilance de chaque instant, une communication au sein de l'équipe et l'utilisation impérative du radiamètre afin de valider les actions, même si la situation semble sûre.
  7. La PCR doit sélectionner un dosimètre et un radiamètre adapté à l'énergie des rayonnements émis. Le radiologue doit vérifier que le radiamètre est adapté à l'énergie des rayonnements.
  8. La PCR doit définir les seuils d'alarme en dose et débit de dose en fonction du poste de travail.

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