France

pdf Exposition lors d'un tir radiographique avec dépassement d'une limite règlementaire (140 ko)

Circonstances

L'incident a eu lieu dans une entreprise de chaudronnerie. Selon les règlementations applicables, les soudures de certains appareils chaudronnés doivent être contrôlés par radiographie. Ces contrôles radiographiques de soudure sont effectués dans les ateliers de l'entreprise par un salarié radiologue classé en catégorie B.

Lors du traitement du dosimètre trimestriel du radiologue, le laboratoire en charge du développement signale un dépassement de la limite règlementaire annuelle de dose (Dose de 22,04 mSv). L'évènement ayant été détecté suite à la réception de ce résultat, il n'a pas été possible de déterminer la chronologie précise de cet événement. Les investigations menées par le laboratoire sur le dosimètre passif montrent que celui-ci a été exposé à des photons de moyenne énergie de 90 keV environ ce qui est cohérent par rapport à l'énergie des rayonnements X mis en œuvre dans les ateliers (103 keV).

Suite à cet incident, des investigations ont été menées pour en déterminer la ou les causes. Les dosimètres d'ambiance n'ont pas révélé de situation anormale sur la période considérée.

Durant la période de port du dosimètre, les activités habituelles de contrôles radiographiques des soudures dans les zones délimitées par un balisage ont été effectuées. Le radiologue intervenait seul et était donc le seul présent dans la zone balisée. Les séances de tirs radios se déroulent comme suit :

  • Prise de poste du radiologue à 20h,
  • Balisage de la zone de tir,
  • Préchauffage du générateur pendant lequel l'obturateur en plomb doit être placé devant la fenêtre du générateur,
  • Radiographie des soudures,
  • Enlèvement du balisage,
  • Fin de poste du radiologue à 4h.

En moyenne, le radiologue réalisait environ 1200 tirs par mois (d'une durée de 22 s en moyenne) soit environ 3600 tirs sur le trimestre concerné par l'incident.

Lors de la période de l'événement, le radiologue portait également un dosimètre opérationnel. Sur la période de port concernée, le cumul des doses relevées par le radiologue avec les dosimètres électroniques est de 0,01 mSv.

Plusieurs explications possibles de l'écart entre la dosimétrie opérationnelle et la dosimétrie passive sont avancées :

  • Le radiologue ne portait pas systématiquement son dosimètre opérationnel.
  • Le radiologue ne relevait pas systématiquement les doses éventuellement enregistrées par les dosimètres électroniques,
  • Les dosimètres électroniques étaient défaillants => cette hypothèse a été écartée suite à la vérification des dosimètres électroniques de l'entreprise qui ont été déclarés conformes.

Les dosimètres électroniques ont été envoyés à la société responsable de leur maintenance pour un contrôle de leur fonctionnement et une exploitation de leur historique. Il n'a pas été possible de retracer tout l'historique sur la période concernée mais seulement sur la deuxième moitié de la période. Les doses enregistrées ne correspondent pas à la dose de 22,04 mSv mais un des deux dosimètres a enregistré une dose de 2,82 mSv un jour où le radiologue a inscrit une dose de 0 mSv sur sa fiche de relevé dosimétrique. Ce jour-là, le radiologue a procédé au préchauffage du générateur comme tous les soirs. Le radiologue a rapporté qu'en fin de préchauffage alors qu'il se trouvait à environ 12m du générateur, l'alarme du dosimètre électronique s'est déclenchée et qu'il avait vu une valeur affichée sur le dosimètre puis que cette valeur était revenue à 0 (valeur indiquée sur la fiche de relevé dosimétrique). Cependant, à partir du moment où une dose est affichée sur le dosimètre électronique, elle ne peut revenir à 0 qu'après arrêt du dosimètre qui ne peut être que volontaire car il nécessite un appui continu pendant 10 secondes sur un bouton. L'historique met en évidence que juste après que le dosimètre ait affiché cette dose, le radiologue a aussitôt arrêté son dosimètre puis l'a remis en marche ce qui a entrainé la remise à 0 de cette dose.

Cet événement anormal appuie le facteur humain comme origine de cet incident.

Cependant plusieurs hypothèses ont tout de même été étudiées pour expliquer cette exposition

Causes éventuelles d'une exposition du dosimètre passif sans que le porteur ait été soumis à cette exposition

  • Dosimètre exposé hors de l'entreprise :
    • Dosimètre exposé avant réception ou après expédition par l'entreprise => non probable, car le dosimètre était accompagné du dosimètre témoin à la réception et l'expédition et il n'y a pas eu d'exposition anormale du dosimètre témoin.
    • Dosimètre exposé lors d'un diagnostic médical ou d'un traitement de médecine nucléaire du porteur = > non probable, le porteur déclare ne pas avoir eu recours à ce type de diagnostic ou de traitement pendant la période de port du dosimètre et hors utilisation, le dosimètre est rangé dans le local radio à proximité du dosimètre témoin.
    • Voyage en avion du radiologue concerné => pas de mission à l'extérieur et le radiologue déclare n'avoir pas fait de voyage sur la période de port.
  • Erreur de lecture du dosimètre par la société => non probable car une relecture confirme la première lecture.
  • Dosimètre exposé pendant les périodes de travail du radiologue
    • Dosimètre momentanément égaré à proximité du générateur électrique de rayon X => non probable, le radiologue déclare ne pas se souvenir avoir égaré son dosimètre et les investigations menées par le laboratoire en charge du développement montre une exposition dynamique et cela appuie l'hypothèse que le dosimètre ait été porté au moment de l'exposition.

Causes éventuelles d'une exposition du dosimètre passif et du porteur

  • Matériel
    • Défaillance ou mauvais état du générateur électrique de rayons X = > non probable, contrôles interne et externe du générateur (en condition de préchauffage et conditions réelles de tir)
  • Facteur humain
    • Non-respect des règles de sécurité (volontaire ou involontaire) : présence du radiologue à proximité du générateur pendant l'exposition :
      • Soit en cours de préchauffage du générateur et oubli de mettre en place l'obturateur sur la fenêtre du générateur
      • Soit en cours de tirs radios
        => Ces deux hypothèses sont considérées comme très probable.

Suite aux diverses investigations menées, il a été conclu que l'incident est probablement dû à une erreur humaine : présence du radiologue à proximité du générateur pendant la réalisation de tirs radiographiques ou plus probablement dans le faisceau pendant la phase de préchauffage alors que l'obturateur n'était pas en place.

Il est peu probable que le radiologue ait été exposé en phase de tir car la distance source / film est de 700 mm et le générateur étant placé sur un chariot, il reste 300 mm entre le chariot et l'appareil à radiographier et il est donc quasiment impossible de passer devant le faisceau à ce moment-là.

Pendant la phase de préchauffage à proximité du pupitre où doit se trouver le radiologue, le DeD est inférieur à 0,5 µSv/h avec l'obturateur en plomb, et de l'ordre de 30 µSv/h en cas d'oubli de l'obturateur. Donc pour que le radiologue reçoive la dose indiquée par le dosimètre, il ne pouvait pas se trouver au niveau du pupitre.

Il n'y a pas eu de mesures réalisées directement dans le faisceau primaire mais d'après les caractéristiques du générateur et les paramètres de tir, le débit de dose dans le faisceau primaire a été estimé à 4,8 Sv/h à 1 m du foyer du tube.

Pour expliquer cette exposition, des mesures ont été réalisées en simulant des tirs radios en conditions réelles avec les paramètres mis en œuvre lors de tirs réels (155kV, 4mA, t=22s, distance source/pièce = 700 mm).

Mesures réalisées avec des dosimètres placés à environ 30 cm derrière le foyer du tube

Dose mesurée sur les dosimètres :

  • 0,078 mSv (DeD max 15,1 mSv/h)
  • 0,057 mSv (DeD max 11,0 mSv/h)
  • 0,037 mSv (DeD max 7,57 mSv/h)

Durée pour atteindre une dose de 22,04 mSv en considérant le DeD max enregistré par le dosimètre ayant reçu la plus forte dose : 1h28.

Mesures réalisées avec des dosimètres placés devant le foyer du tube en dehors du faisceau primaire

Dose mesurée sur les dosimètres :

  • Dosimètre le plus éloigné de la fenêtre du générateur : 0,554 mSv (DeD 101 mSv/h)
  • Dosimètre au milieu : 1,394 mSv (DeD 254 mSv/h)
  • Dosimètre le plus proche de la fenêtre du générateur : 2,273 mSv (DeD 411 mSv/h)

Durée pour atteindre une dose de 22,04 mSv en considérant le DeD enregistré par le dosimètre :

  • Dosimètre le plus éloigné de la fenêtre du générateur : 13 min 06 s (36 films)
  • Dosimètre au milieu : 5 min 12 s (14 films)
  • Dosimètre le plus proche de la fenêtre du générateur : 3 min 13 s (9 films)

i53
Mesure du débit du rayonnement rétrodiffusé : 23,4 mSv/h

Conséquences radiologiques

Seule une personne a été exposée : le radiologue concerné par cet événement. Il a subi une irradiation par des rayons X d'énergie moyenne 103 keV. D'après la lecture de son dosimètre passif, il a intégré une dose de 22,04 mSv.

Mesures prises après l'incident

Des contrôles internes et/ou audit ont été réalisés de façon inopinée et aléatoire pour détecter au plus tôt toute dérive éventuelle du radiologue par rapport aux règles de sécurité.

Le radiologue concerné n'est plus affecté à des travaux sous rayonnements ionisants, il n'effectue plus de tirs radios. Depuis cet événement les tirs radios ont été dans un premier temps réalisés par le responsable de l'activité nucléaire puis sous-traités : un radiologue d'une entreprise de contrôles non destructifs est détaché dans l'entreprise lorsque cela est nécessaire.

Leçons à tirer de l'incident

  1. Avant la séquence de préchauffage, s'assurer qu'on dispose de dosimètres passifs et opérationnels en fonctionnement et qu'on est positionné à distance du faisceau.
  2. Les débits de dose générés lors de la phase de préchauffage sont identiques à ceux générés lors des tirs.
    1. L'exposition est possible lors de la phase de préchauffage, il est nécessaire d'être vigilant sur les déplacements à proximité du faisceau lors de cette phase.
    2. Il faut positionner l'obturateur devant le faisceau durant cette phase pour diminuer le débit de dose émis (dans le cas de cette fiche passage de 30 µSv/h à 0,5 µSv/h au niveau du pupitre).
  3. Le dosimètre opérationnel ne doit pas être remis à zéro durant une intervention et particulièrement en cas d'alarme.
    Favoriser l'utilisation de dosimètres opérationnels à activation et désactivation automatiques.
  4. Lors des sessions de formation, les opérateurs doivent être sensibilisés aux risques présents pendant la phase de préchauffage.

pdf Exposition lors d'un tir radiographique avec dépassement d'une limite règlementaire (140 ko)