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pdf Contamination lors du reconditionnement d'une gellule d'iode (117 ko)

Circonstances

Une patiente est prise en charge dans le service de médecine nucléaire d'un institut de cancérologie rattaché à un CHU mais situé dans un bâtiment séparé. Il lui a été prescrit une activité de 1100 MBq d'iode-131 comme le préconisent les nouvelles recommandations faites pour le type de pathologie dont elle est atteinte. Une activité de 3700 MBq d'iode-131 a cependant été commandée par erreur.

La patiente reçoit deux injections pour stimuler les cellules qui doivent capter l'iode-131 à J-2 et J-1 de la date prévue pour l'administration d'iode-131. Le jour prévu pour l'administration d'iode-131, un lundi, le radiopharmacien réceptionne l'iode-131 sous forme de gélule (3700 MBq au lieu des 1100 MBq prescrit). La patiente ayant été préparée pour recevoir l'iode-131 le lundi, il a été décidé de reconditionner la gélule pour pouvoir lui administrer le traitement. En effet, si une nouvelle commande doit être passée, l'iode ne pourra être reçue que 2 jours plus tard et il pourrait s'avérer dangereux pour la patiente de ne pas recevoir l'iode-131 après la stimulation des cellules. La gélule est donc reconditionnée en boîte à gants par le radiopharmacien dans le laboratoire chaud de l'institut de cancérologie, le reste de la gélule est stockée dans un conteneur plombé et laissé dans la boîte à gants ayant servi au reconditionnement. La gélule est administrée à la patiente par le médecin.

Cette boîte à gants ne servant que pour la radiothérapie métabolique, il n'y a pas eu d'autre utilisation entre le lundi et le jeudi. Elle a été nettoyée par les préparateurs en pharmacie. Les différents matériels utilisés pour le reconditionnement de la gélule sont mis dans une poubelle plombée et évacués dans le local à déchets dédié pour décroissance pendant au moins 3 mois. Le résidu de la gélule reste stocké dans la boîte à gants.

Le vendredi, la PCR du CHU est informée par la radiophysicienne qu'un reconditionnement de gélule a été réalisé dans la boîte à gants. En fonctionnement normal, il n'y a pas de contrôle de la boîte à gants prévu avant et après le nettoyage, la radiophysicienne effectue un contrôle à l'activimètre le lundi matin avant l'utilisation de la boîte à gants par les préparateurs à pharmacie. Si la PCR n'avait pas été informée du reconditionnement de la gélule, la contamination aurait donc été détectée le lundi matin. Après avoir été informé du reconditionnement, la PCR contrôle le niveau de radioactivité de la boîte à gants à l'aide d'un spectromètre passé dans la boîte à gants par une ouverture latérale pour savoir s'il sera possible d'utiliser la boîte à gants le lundi suivant. Elle mesure un débit de dose de 450 µSv/h et en recherche donc la source en enlevant progressivement ce qui restait dans cette boîte à gants (gants de l'enceinte plombée, sources d'étalonnage et conteneur plombé dans lequel est stocké le reste de la gélule) avec des gants en latex, changés régulièrement. Elle constate alors que les gants sont contaminés et qu'un débit de dose de 400 µSv/h provient également du plan de travail de la boîte à gants où un grain d'iode-131 était tombé lors du reconditionnement. Le matériel sorti est alors remis en place à l'exception des gants qui sont mis en décroissance et la boîte à gants est fermée.

Lors de ce contrôle, la PCR constate également que le débit de dose d'ambiance de la pièce est supérieur à celui attendu. Elle contrôle à nouveau le débit de dose à l'extérieur du laboratoire chaud et constate qu'il est de 2,73 µSv/h et donc supérieur au bruit de fond de 0,2 µSv/h, elle en déduit donc que le spectromètre est contaminé. Cependant, en passant la main droite devant le détecteur, elle constate une mesure de 12 µSv/h. De retour dans le service de médecine nucléaire du CHU, elle s'est contrôlée les mains avec le contrôleur « mains pieds » du service. La main droite montrait une contamination de 150 000 coups par seconde et la main gauche une contamination de 500 coups par seconde. Après 3 lavages des mains, les valeurs sont descendues respectivement à 1000 coups par seconde et 300 coups par seconde.

Conséquences radiologiques

La contamination a généré un débit de dose mesuré à l'intérieur de la boîte à gants de 400 µSv/h.

Exposition interne : la dose efficace engagée par la PCR a été évaluée à 0,04 mSv à partir de la valeur d'activité en iode-131 mesurée dans les prélèvements urinaires recueillis les lendemain et surlendemain du jour de l'exposition, soit 174,5 Bq/24h. Il a été considéré une contamination aigüe par de l'iode-131 par inhalation. L'exposition externe était inférieure à 50 µSv.

Au vu de la dose efficace engagée par la PCR, le radiopharmacien et les préparateurs ont probablement aussi été contaminés. Cependant, la déclaration de l'incident ayant été tardive, il n'a pas été possible d'évaluer la dose reçue par ces intervenants qui n'ont pas eu d'examen radiotoxicologique.

De plus, le radiopharmacien portait une bague dosimétrique qui a indiqué une dose extrémité de 0,22 mSv intégrée sur le trimestre, ce qui correspond à la dose reçue habituellement. Les préparateurs portaient également des bagues dosimétriques qui ont révélés des doses intégrées de 2,05 mSv sur le trimestre. Ces valeurs sont dans la fourchette habituelle des personnes réalisant des préparations radiopharmaceutiques.

Mesures prises après l'incident

Mesures conservatoires d'urgence : interdiction d'accès à la BAG jusqu'au lundi suivant où il y aura une mesure de débit de dose avant d'avoir l'autorisation de l'utiliser.

La PCR est alors prise en charge médicalement par un médecin de médecine nucléaire : il lui est administré de l'iodure de potassium pour saturer la thyroïde et éviter que l'iode-131 ne se fixe dessus. L'iode-131 est alors éliminée par les urines et une radiotoxicologie urinaire est donc mise en place pour la PCR à partir du lendemain pour contrôler l'élimination de la contamination interne. Cette contamination a été déclarée à l'ASN. La boîte à gants est ensuite nettoyée le lundi suivant pour la remettre en service.

Leçons à tirer

  1. Les gélules d'iode-131 ne doivent pas être reconditionnées.
  2. Le circuit d'approvisionnement en sources doit être sécurisé en favorisant les prescriptions informatisées qui permettent un lien direct entre identité du patient, prescripteur, activité(s) prescrite(s), radiopharmacien et bon de commande. Dans les structures où les prescriptions et/ou commandes sont sous format papier, lors du passage et de la réception de la commande, il est nécessaire de vérifier que l'activité commandée correspond à la prescription écrite du médecin.
  3. Avant et après utilisation d'une boîte à gants, il faut effectuer un contrôle radiologique.
  4. Avoir a minima un contaminamètre en sortie du laboratoire chaud de radiopharmacie, idéalement un contrôleur main-pieds et doivent être utilisés systématiquement lors de la sortie du laboratoire.
  5. Dans le cas de cet incident où la gélule d'iode-131 a été reconditionnée les recommandations suivantes sont à considérer :
    1. L'iode étant un produit volatile, une qualification opérationnelle régulière l'enceinte blindée avec un suivi de l'efficacité de l'extraction et un changement régulier des filtres à charbon doivent être réalisés.
    2. Il faut veiller en cas de manipulation d'iode à maintenir la ventilation de l'enceinte blindée à son niveau maximal et de maintenir celui-ci plusieurs heures après la fin de la manipulation, jusqu'à normalisation des contrôles radiologiques.
      Les informations nécessaires pour maintenir la ventilation de l'enceinte blindée à son niveau maximal doivent être affichées à proximité de l'enceinte pour être visibles par tout le monde.
    3. La PCR doit en être informée de toute manipulation de sources non scellées dans des conditions inhabituelles, telle que le déconditionnement d'une gélule.
    4. Il est recommandé de changer régulièrement les gants des enceintes blindées, en particulier après une manipulation directe de sources non scellées.
    5. Respecter les procédures de changement des gants des enceintes. Celles-ci doivent être considérées comme contaminées, subir une phase de décontamination si elles seront réutilisées ou mises dans le circuit des déchets solides radioactifs.
    6. Suite à un incident de ce type, il faut rechercher les personnes éventuellement contaminées. Une analyse anthroporadiamétrique, où à défaut une analyse radiotoxologique des urines, doit être réalisée en accord avec le médecin de travail, pour toute personne contaminée.
    7. La déclaration de l'incident en interne doit être aussi rapide que possible pour permettre les contrôles et l'évaluation des conséquences radiologiques.

Des informations complémentaires concernant l'iode-131 peuvent être trouvées dans la fiche radionucléide ED 4300 de l'INRS.

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