France

pdf Contaminations lors d'injection de medicaments radiopharmaceutiques (240 ko)

Circonstances de l'incident

Ces incidents ont eu lieu dans le secteur cardiologie du service de médecine nucléaire.

Incident n° 1 

Une scintigraphie myocardique d’effort a été réalisée le matin à un patient avec un médicament radiopharmaceutique (MRP) : la tétrofosmine marquée par du technétium-99m. Un cathéter 22 G (Gauge : unité de mesure du diamètre d’un cathéter)[obturé par un bouchon à valve (voir photo) a été posé au patient et conservé après la première partie de l’examen. 

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Puis le patient a été injecté de nouveau avec le MRP (829 MBq) l’après-midi pour la scintigraphie myocardique au repos. Auparavant le manipulateur en électroradiologie médicale A (MERM A) (classé en catégorie A) a rincé le bouchon à valve laissé en place le matin, avec de la solution salée isotonique à l’aide d’une seringue de 10 ml munie d’un pas de vis « Luer-Lock » (Bouchon à vis verrouillable servant à fermer une seringue ou une extrémité de tubulure de façon sécurisée). Il a ensuite injecté le MRP au moyen d’une seringue de 2 ml dans son protège-seringue par connexion « Luer simple » (sans pas de vis) donc sans solidarisation forte avec le bouchon à valve.
Lors de l’injection, le MERM A a senti une résistance au niveau du cathéter. Il a augmenté la pression, ce qui a provoqué une déconnexion accidentelle de la seringue et du cathéter et le MRP a jailli sous pression, éclaboussant le MERM A au niveau du cou et les vêtements du patient. Une partie de la salle d’injection a été également contaminée.
Le MERM A a demandé de l’aide au MERM B pour la prise en charge de la contamination et de la continuité des soins au patient.
Selon la procédure du service, le MERM A a pris une douche et ses vêtements professionnels ont été mis en décroissance. Le contrôle après la douche n’a pas révélé de contamination.
La PCR a été également alertée.Avec l’aide de la PCR, les vêtements du patient ont été contrôlés et ceux qui étaient contaminés ont été mis dans un sac avec pour consigne de ne pas les utiliser avant un lavage à part après 3 jours de décroissance. Des vêtements jetables lui ont été fournis et l’acte médical a été finalisé après injection d’une activité complémentaire de MRP déterminée par un médecin nucléaire. 

La partie contaminée de la salle d’injection a été décontaminée avec une mousse décontaminante et le résultat de la vérification après décontamination était négatif. 

Incident n° 2 un mois après dans le même service

Au préalable, un cathéter 22 G relié à un robinet à 3 voies a été posé sur un patient, le cathéter était relié par une tubulure à une poche de sérum salé isotonique.
Alors que le patient réalisait son épreuve d’effort, le MERM A a injecté au patient 120 MBq de thallium-201 contenus dans une seringue de 3 ml. Cette seringue se trouvait dans son protège-seringue, et était reliée par connexion « Luer simple » (sans pas de vis) au robinet à 3 voies, robinet ouvert entre seringue et aval. Le piston de la seringue coulissant mal, le MERM a exercé une pression plus importante en tenant d’une main la seringue et de l’autre le robinet à 3 voies.
Une fuite sous pression est alors survenue entre la seringue et le robinet, éclaboussant le MERM A, le patient, la bicyclette ergométrique, le sol.

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Le MERM A a demandé de l’aide. Le MERM B est arrivé, a marché sur le sol contaminé puis, après avoir prodigué les soins au patient, est sorti et a contaminé le couloir jusqu’à la salle de la gamma caméra.
Avec du 201Tl, il est important de réaliser les images rapidement en rapport à sa distribution dans le cœur au cours d’un effort. Après une détermination rapide par un médecin nucléaire, c’est pourquoi une activité complémentaire a été injectée au patient avant son déshabillage. Puis il a été déshabillé, seuls ses vêtements ont été contaminés. Des vêtements jetables lui ont été fournis puis il a été transféré en salle de gamma caméra pour acquisition. 
Le patient a été invité à laver ses vêtements de manière séparée du reste de son linge après 3 jours de décroissance. 
Le MERM A a enlevé ses vêtements professionnels qui ont été mis en décroissance. Il n’y a pas eu de contamination corporelle externe. Mais en raison de plaies aux mains présentes avant l’évènement, et malgré le port de gants, une recherche de contamination interne a été effectuée par radiotoxicologie urinaire.Le sol de la salle d’effort et celui du couloir ont été décontaminés.
La salle d’effort ne devant pas être utilisée après ce patient, elle a été fermée et la décontamination de la bicyclette a été reportée au lendemain. Une affiche « interdiction d’accès » a été apposée sur la porte d’entrée. La salle n’a pas été utilisée pendant 4 jours.
La décontamination du socle de la bicyclette s’est avérée difficile, ce socle a une partie rugueuse de chaque côté de la bicyclette, ayant la fonction d’antidérapant.
Dans l’attente d’une décroissance, des plaques de plomb ont été posées dessus afin d’éviter l’exposition externe des patients et personnels et la contamination des semelles de leurs chaussures.

Les chaussures professionnelles du MERM B ont été mises en décroissance.

Lors de ce 2ème incident, la PCR n’étant pas sur le site, elle a été informée par téléphone et a donné des instructions. Elle a continué les actions à son retour le lendemain.

Commentaires

Pour les 2 incidents, les patients sont repartis chez eux en ambulance comme prévu initialement. En fonction des examens, des informations sont données aux ambulanciers sous forme d’une note.
Le report des examens cardiaques est très difficile :

  • Urgence ;
  • Vacation du cardiologue ;
  • Examen demandé pour le patient en cours de chimiothérapie ;
  • etc.
  • Pour le 2ème incident, la scintigraphie cardiaque avec du 201Tl est exceptionnelle (indications précises) et la commande du 201Tl est ponctuelle.

Conséquences radiologiques identifiées par les acteurs

Les vérifications de contamination ont été réalisées avec un contaminamètre type LB 124 (Berthold). Pour les personnes, elles ont été effectuées sur l’ensemble du corps.

Incident n° 1 (Technétium-99)

  • Contamination d’une partie de la salle d’injection
  • Patient : pas de contamination corporelle externe
  • MERM : l’estimation faite par la PCR de la dose reçue à la peau au niveau du cou est de 19 µSv
  • Au contrôle de contamination, le cou du MERM comptait 200 cps de 99mTc, avec le rendement de la sonde, l’activité est estimée à 45,7 kBq
    • Temps de contact maximum : 5 min, surface contaminée environ 50 cm2
    • Activité par cm2: 45,7/50 = 0,914 kBq = 914 Bq
    • Débit de dose (dépôt uniforme) : 2,5 x 10-1µSv/h/Bq x 914 = 228,5 µSv/h
    • Dose pour 5 min de contact : 228,5 x 5/60 = 19 µSv
  • Pas de contamination des yeux
  • Pas de doses inhabituelles en dosimétrie passive et en dosimétrie opérationnelle

Incident n° 2 (Thallium-201)

  • Contamination du sol et de la bicyclette ergométrique
  • Patient : pas de contamination corporelle externe
  • MERM A : pas de contamination corporelle externe. Le résultat de la radiotoxicologie des urines s’est avéré positif : activité = 12 Bq/L (limite de détection : 3 Bq/L) = contamination quantifiée. L’origine de cette activité n’a pas été identifiée (plaies sur les mains ou inhalation de micro goutelettes).
  • Pas de dose inhabituelle des personnels en dosimétrie opérationnelle et en dosimétrie passive

Causes identifiées

  • Pas d’erreurs humaines par rapport aux règles internes à l’exception de : 
    • incident n° 2 : la contamination du couloir aurait pu être évitée si le MERM A avait signalé la contamination du sol de la salle d’effort à son collègue le MERM B
  • La connexion des seringues sans pas de vis (Luer simple) est imparfaitement solidaire, donc fragile ; 
  • Le modèle de seringue utilisé a un piston qui coulisse mal et impose une pression importante.
    Ce type de seringue a été choisi par compatibilité avec les protège-seringues existant dans le service.
  • Les cathéters de 22 G (d=0,64 mm) sont utilisés en routine chez l’adulte mais sont plutôt adaptés à des veines de petite taille. Ce qui entraine davantage de difficultés à injecter.

Propositions de modifications des pratiques

  • Utiliser des seringues avec pas de vis (Luer-Lock) adaptées à ce type d’injection qui soient compatibles avec les protèges-seringues
  • Utiliser des cathéters 20 G (d=0,8 mm) plus adaptés chez l’adulte
  • Rendre le socle du vélo de la salle d’effort facilement décontaminable ou lui ajouter une protection. 
  • Mettre à disposition des surchaussures à l’entrée des salles où sont manipulés les MRP (salle d’injection, salle d’effort) comme à la radiopharmacie.

Leçons à tirer de l'incident

  1. Etablir au préalable des protocoles d’urgence,, qui doivent être connus des personnels et intégrés à la formation radioprotection travailleurs des différents personnels.
    1. Avertir la PCR.
    2. Prendre en charge le patient et le personnel contaminé
    3. Baliser et signaler au plus tôt les zones contaminées.
    4. Décontaminerles zones contaminées dès que possible à l’arrivée de la PCR.
  2. Porter des vêtements de travail et des équipements de protection individuelle (lunettes, visière, gants, surchaussures, etc) adaptés à l’activité et aux risques associés. 
  3. S’assurer que les surfaces des salles et le matériel soit en matériaux lisses et facilement décontaminables. Parfois la sécurité des patients peut imposer des matériaux anti-dérapants. Prévoir alors une procédure de décontamination spécifique.
  4. Respecter les consignes d’emploi du matériel
  5. Signaler tout dysfonctionnement ou inadaptation du matériel afin d’envisager un remplacement avant survenue d’un incident. Tenir compte des remontées de terrain pour le choix des équipements et matériels.
  6. Mettre en place une permanence de la fonction de PCR afin d’assurer une présence permanente en cas d’incident
  7. Il est obligatoire de former et informer le personnel sur les risques liés à l’exposition aux rayonnements ionisants et les conduites à tenir en cas d’incident (protocoles d’urgences)
  8. Faire des REX et les utiliser pour informer et sensibiliser les travailleurs. 
  9. Organiser des exercices pratiques permettant de s’entrainer aux actions à réaliser en cas de situations incidentelles/accidentelles.

Pour en savoir plus :

pdf Contaminations lors d'injection de medicaments radiopharmaceutiques (240 ko)