France

pdf Contamination radioactive à l'américium-241 dans un laboratoire universitaire (119 ko)

Circonstances

Un enseignant de travaux pratiques et trois étudiants ("A","B"et "C") réalisent une expérience visant à mettre en évidence les dégâts engendrés par des particules alpha dans des films de nitrate de cellulose. Durant leurs manipulations, deux étudiants se sont contaminés les mains à l'américium-241.

Le matin, la source radioactive a été placée par l'un des étudiants "A" sur le support à l'aide de la pince, sous le contrôle de l'enseignant responsable des travaux pratiques. Quatre films ont été irradiés dans la matinée. Les étudiants sont ensuite allés prendre leur repas pendant la durée de révélation des films ; aucun contrôle de contamination n'a été effectué à la fin de la matinée.

L'après-midi, n'arrivant pas à faire la mise au point des microscopes, les étudiants font appel à l'enseignant ; celui-ci contamine alors la pince en saisissant la source radioactive pour vérifier son positionnement sur le montage.

Un contrôle de contamination est effectué durant lequel sont détectées :

  1. Une contamination des doigts de Messieurs "A" et "B", le troisième étudiant n'a quant à lui pas été contaminé.
  2. Une contamination localisée de la paillasse, d'une règle en plastique, du trépied et du support de la source radioactive.
  3. Une contamination d'un des films.

Les étudiants se lavent les mains à l'eau et au savon ; il persiste une contamination radioactive des mains de monsieur "A", traitée par le port de gants en latex (environ une heure), puis le lavage avec une solution spéciale. Devant la persistance de la contamination, il est procédé à une application de DTPA en solution aqueuse sur compresse, après la deuxième application, les mains de Monsieur "A" sont encore contaminées ; l'étudiant porte alors des gants en latex jusqu'au lendemain ; après lavage, il ne persiste plus de trace de contamination radioactive.

Un examen radiotoxicologique des selles est demandé le lendemain de la contamination : il met en évidence une contamination de 0,25 Bq pour Monsieur "A" et de 0,0045 Bq pour Monsieur "B". Un examen radiotoxicologique des selles et des urines est demandé au 60ème jour suivant la contamination. Il est négatif pour Messieurs "A" et "B".

L'origine de la contamination a par la suite été retrouvée : un des films est tombé sur la source radioactive au travers de la fente du support au cours de l'irradiation. L'un des étudiants, Monsieur "A", s'est contaminé en récupérant le film sans prendre de précaution et sans signaler l'incident à la monitrice de travaux pratiques. Cette contamination, survenue le matin, n'a été découverte que l'après-midi lors des contrôles effectués à la suite de la contamination de la pince. La contamination externe s'est doublée d'une contamination interne par ingestion lors du repas

Conséquences radiologiques

Compte tenu des niveaux de contamination mesurés pour monsieur "A" (0,25 Bq) et monsieur "B" (0,0045 Bq) à la suite de l'analyse radiotoxicologique de leurs selles, on peut estimer :

Pour Monsieur "A"

On sait que l'excrétion fécale le lendemain de l'exposition représente 11 % de l'activité totale inhalée et 28 % de l'activité totale ingérée (CIPR 72 et 78).

La dose reçue par monsieur "A" est estimée à 0,2 µSv en supposant que monsieur "A" ait tout inhalé (le coefficient de dose engagée à l'organisme entier pour l'américium 241 étant de 9,6. 10 -5 Sv/Bq inhalé).

Si l'on suppose que monsieur A a tout ingéré, la dose qu'il a reçue est estimée à 0,1 µSv (le coefficient de dose engagée à l'organisme entier pour l'américium 241 étant de 2.10 -7 Sv/Bq ingéré).

Pour Monsieur "B"

Avec le même raisonnement, on peut estimer que la dose reçue par monsieur "B" est de à 4 nSv en supposant qu'il ait tout inhalé (le coefficient de dose engagée à l'organisme entier pour l'américium 241 étant de 9,6. 10 -5 Sv/Bq inhalé). Si l'on suppose que monsieur "B" a tout ingéré, la dose qu'il a reçue est estimée à 2 nSv.

Ces doses sont particulièrement faibles, elles représentent moins de 1/10000ème de la limite de dose annuelle pour le public  (1mSv). Cependant, elles témoignent d'une méconnaissance des règles élémentaires de radioprotection de la part des étudiants. La contamination n'a été décelée que par hasard. Le même comportement aurait pu donner des expositions nettement plus élevées lors d'autres manipulations.

Leçons à tirer de l'incident

Il est nécessaire que les étudiants suivent une formation en début d'année sur le risque radiologique et la façon de le minimiser. Les étudiants devraient connaître la personne compétente en radioprotection (nom, poste, numéro de téléphone,…) afin de pouvoir la prévenir en cas d'incident. Toute anomalie dans le déroulement de la séance de travaux pratiques devrait être signalée.

Pour chaque séance de travaux pratiques, des consignes particulières doivent être affichées aux postes de travail (consignes de manipulation, contrôle radiologique avant de quitter la salle de TP, lavage des mains après les manipulations, conduite à tenir en cas de contamination…). Des gants doivent être mis à disposition (le port de ces derniers est obligatoire durant toute la durée de la manipulation). Les étudiants doivent porter une blouse et des lunettes de protection afin d'éviter toute projection de produit radioactif sur les vêtements et dans les yeux.

Il faut une présence permanente de l'enseignant lors des séances de travaux pratiques où l'on utilise les rayonnements ionisants.

Dans le cas présent, les doses estimées sont très faibles. Cependant, un seul examen biologique à la suite d'un incident ne permet pas de lever le doute sur le type de contamination (ingestion et/ou inhalation). Il faut procéder à plusieurs mesures à quelques jours d'intervalles pour avoir une idée de la dose effectivement reçue.

La détection d'une contamination éventuelle devrait être systématique à la fin d'une manipulation comme cela l'a été pour ce cas précis et généraliser cette détection à toute manipulation faisant intervenir des radioéléments. Cette détection pourrait être faite avec une sonde portable de détection (coût de l'appareillage : 1 à 5 Keuro).

Dans le cas d'une contamination, si celle-ci persiste après lavage des mains avec un produit de décontamination, le port de gant permettrait de ne pas propager la contamination et d'éviter qu'elle ne se transforme en contamination interne par ingestion (au moment de manger par exemple).

Il est important de rappeler que les bonnes pratiques de laboratoire interdisent de manger et de boire pendant les manipulations de sources radioactives pouvant occasionner une contamination. Il est aussi fortement recommandé de ne pas porter les doigts à la bouche et de ne pas se frotter les yeux afin d'éviter une contamination interne par ingestion.

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